Stéphane Pagès : Il veut devenir le plombier chauffagiste de référence du département
Paru dans Gesec Magazine 264 Hiver 2023
Après avoir passé quinze ans dans des entreprises du génie climatique, notamment comme
responsable d’agences, Stéphane Pagès a décidé de racheter les Établissements Cazes, à Perpignan, sa ville d’adoption. Fort de son expérience dans des filiales de grands groupes, il a développé et
diversifié l’entreprise avant d’acquérir une seconde société, positionnée sur le marché du particulier.
Portrait de Stéphanes Pagès
Lire la vidéoArpentant le seuil du showroom de son magasin, Stéphane Pagès est au téléphone avec un de ses collaborateurs. D’un geste, il nous fait comprendre qu’il n’en a plus pour très longtemps. « Messieurs, je suis à vous, nous lance-t-il tout sourire après avoir raccroché. Avez-vous fait bon voyage ? » Bien qu’on soit en novembre, l’air est encore doux. On aurait presque envie de poursuivre l’entretien dehors. Stéphane arbore une chemise brodée aux initiales de l’Usap, le fameux club de rugby de Perpignan. « Ici, le rugby, c’est une religion, assure-t-il. Mon fils y joue depuis l’âge de 4 ans. Cette année, il a quitté le club du village pour intégrer l’équipe des benjamins de l’Usap. Moi, je me contente de l’accompagner à ses entraînements et aux matchs ! » Le chef d’entreprise nous reçoit dans les locaux de Bailloeuil, la société qu’il a rachetée en 2021, six ans après avoir racheté des Établissements Cazes, première étape de sa vie d’entrepreneur. Cette acquisition répond à l’objectif de développer le marché du particulier, très porteur dans cette région où il fait bon vivre. Mais avant de parler de stratégie, revenons au parcours de notre adhérent.
Stéphane n’est pas originaire de Perpignan mais de Montluçon, dans l’Allier. C’est là qu’il fait ses études et qu’il décroche son premier poste – chargé d’affaires dans une entreprise de plomberie d’une dizaine de salariés. Âgé de 56 ans, son patron de l’époque le verrait bien reprendre l’entreprise à son départ à la retraite. Mais le moment venu, Stéphane, encore tout jeune, ne parvient pas à réunir les fonds pour racheter la boîte au prix demandé. Il décide alors de mettre le cap sur le Sud. « J’avais besoin de couper les ponts, confie-t-il. La vie semblait plus souriante dans le Midi. » En 2002, il entre chez le distributeur Prolians, à Nîmes. Sa mission : développer la carte Viessmann sur la région. Rapidement, il est muté à Perpignan comme responsable produits pour le chauffage et le sanitaire. Stéphane ambitionne de devenir responsable d’agence. Mais, à l’époque, ceux-ci viennent plutôt de la quincaillerie ou de l’acier. « Je n’étais pas dans la bonne filière », soupire-t-il. Il tente alors sa chance chez Proxitherm, alors filiale de Veolia, qui le nomme responsable d’agences. Il en supervisera jusqu’à quatre avant d’être muté à Lyon comme responsable secteur pour le quart Sud-Est.
Et si je rachetais une boîte ?
Bientôt, le mal du pays le rattrape. Il fait savoir qu’il souhaite revenir à Perpignan. Son vœu est exaucé. Il est nommé responsable d’exploitation de Proxiserve, autre filiale de Veolia, pour le Languedoc-Roussillon. Las, Veolia cède ses deux filiales à un fonds d’investissement. « Il fallait que ça crache », lâche laconiquement Stéphane pour parler de cette période. Une scène le hante toujours. « C’était une réunion sur les budgets à Bordeaux fin 2013, raconte-t-il. Le directeur régional m’a demandé de désigner les salariés à licencier pour respecter les objectifs. Je n’ai pas pu. J’en ai chialé dans la bagnole. Ce n’était pas ma façon de travailler… » Quelque temps plus tard, il obtient un coaching, qui confirme qu’il n’est pas en phase avec cette culture d’entreprise et réactive sa fibre entrepreneuriale. « Et si je rachetais une boîte ? », se dit-il. Il en parle à son employeur, qui lui accordera quelques mois plus tard une rupture conventionnelle.
Nous sommes les seuls du département à proposer une activité de salles de bains clés en main.
C’est alors que son avocat lui parle des Établissements Cazes. L’entreprise a été créée dans les années 1980 par Bernard Cazes, issu des Compagnons du devoir et auréolé du titre de meilleur ouvrier de France en génie climatique. La boîte, qui compte 18 salariés, s’est fait un nom dans le logement collectif neuf. Le courant passe bien entre les deux hommes. Pour racheter les parts du vendeur, Stéphane crée une holding et monte un LBO. Pour obtenir ses prêts bancaires, il doit hypothéquer sa maison. « Cette phase a été longue et éprouvante », reconnaît-il. Mais, en novembre 2015, il est enfin patron. Il a 40 ans, une nouvelle vie commence. Ses premières décisions visent à diversifier l’activité de Cazes. « à l’issue des entretiens avec les collaborateurs, j’ai décelé que nous avions les capacités humaines et la motivation pour cela. »
Il accepte alors des chantiers dans le tertiaire et la rénovation, structure l’entreprise, recrute.
Et puis le Covid arrive. « Les gros chantiers ont été stoppés net, se rappelle-t-il. Et quand ils ont repris, c’était avec de telles contraintes qu’on était moins rentable. » Stéphane doit réagir vite. « Cela fait partie des choses que j’ai apprises dans mes fonctions précédentes. » à la recherche d’activités complémentaires, il opte pour le photovoltaïque en autoconsommation et la recherche de fuites. « La Région proposait des aides d’investissement aux PME en difficulté, poursuit-il. Cela m’a permis de financer 50 % de mes achats en matériel et outillage. » Il forme deux techniciens et se lance sur ces nouveaux marchés. « Cela nous a permis de garder la tête hors de l’eau et de nous différencier. » à l’issue de cette période éprouvante, il poursuit la diversification de l’activité en investissant le marché du particulier. Aujourd’hui, Cazes compte 43 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires moyen de 4,5 M€, dont 1 M€ sur le particulier. C’est dans cette optique que Stéphane décide en 2021 de racheter une entreprise bien positionnée sur le marché du particulier. Il repère Bailloeuil par l’intermédiaire de son expert-comptable. La boîte est saine, bénéficie d’une forte notoriété, notamment auprès des professions libérales. Cette fois, il n’a pas de problème pour financer son projet.
« La holding était déjà constituée, les résultats de Cazes étaient bons, explique-t-il. Les banques ont suivi sans difficulté. » L’entreprise est présente sur cinq secteurs d’activité : le chauffage (contrats d’entretien de chaudières au gaz), la climatisation, la plomberie, la maintenance et l’aménagement de salles de bains clés en main, avec la marque Les maîtres du bain. « Nous sommes les seuls du département à proposer cette offre », se félicite Stéphane.
« Je suis allé trop vite… »
Bailloeuil dispose d’une équipe complète avec un plombier qui fait aussi du placo et de la faïence et un autre qui est aussi carreleur et maçon. L’activité a été confiée à Anne, une collaboratrice venue de chez Cazes. L’objectif est de réaliser au moins 500 K€ par an. à peine installé, Stéphane nomme Francis, autre transfuge de Cazes, comme chef d’agence, et aligne les pratiques de Bailloeuil sur celles de Cazes. Il revoit la convention collective, les contrats de travail, les horaires, les outils informatiques… « Je suis allé un peu trop vite, reconnaît-il. Cela a désarçonné certains collaborateurs, surtout dans les bureaux. Depuis je prends le temps. » Aujourd’hui, Bailloeuil compte 18 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 2 M€.
Avec deux entreprises à gérer, Stéphane n’a presque plus le temps d’aller sur le terrain. Il laisse cela à ses deux chefs d’agence. « Ma mission désormais est avant tout de piloter, écouter, assurer le suivi commercial et manager les équipes. » Dans ce domaine, il tire parti des formations qu’il a suivies dans les groupes où il a travaillé. Son leitmotiv : faire monter les gens en compétences. « J’investis beaucoup dans la formation », assure-t-il.
Un Monsieur Bien Vivre
Son management repose sur un principe simple – « mettre les bonnes personnes au bon endroit » – et quatre valeurs cardinales, qui parleront à nombre d’adhérents du Gesec : le travail bien fait, la sécurité au travail (il a créé un poste à mi-temps de chargée de prévention et sécurité), le travail en équipe et la performance. Il a aussi impulsé une politique sociale généreuse : participation et intéressement, mutuelle avantageuse, CE externalisé (Wiismile), sorties régulières (ski, randonnée, pique-nique en famille…). Il a même nommé un Monsieur Bien Vivre, en l’occurrence Julien, le magasinier, qui est aussi délégué du personnel. Celui-ci réalise des enquêtes de satisfaction, anime une boîte à idées et des groupes de travail. Par exemple sur l’organisation du temps de travail. Ainsi, depuis quelques semaines, Cazes teste la semaine de quatre jours, une semaine sur deux par moitié d’effectif. Stéphane veille aussi à la cohésion d’équipe. Il vient d’ailleurs d’organiser un séminaire « Tous ambassadeurs » avec les collaborateurs de Bailloeuil.
CV Express
- 1996 DUT Génie thermique et énergie
- 1999 Diplôme de management et gestion
- 2000 Chargé d’affaires (Pizon, Montluçon)
- 2002 Chef de produit (Baures Prolians, Nîmes, Perpignan)
- 2006 Chef d’agence puis responsable secteur (Proxitherm Veolia, Perpignan, Lyon)
- 2010 Responsable régional d’exploitation (Proxiserve, Perpignan)
- 2015 Rachat des Établissements Cazes (Toulouges)
- 2021 Rachat de l’entreprise Bailloeuil (Perpignan)
- 2023 Cazes : 43 salariés, 4,5 M€, Bailloeuil : 18 salariés, 2 M€
Comme beaucoup d’entrepreneurs du secteur de la construction, Stéphane se plaint de la conjoncture. « Depuis six mois, rien n’avance, déplore-t-il. Les programmes de logements neufs sont gelés. Tenez, on a remporté un appel d’offres en novembre 2022 et on a appris que le projet ne sortirait de terre qu’en 2024. » Un coup dur sachant que le logement représente encore 40 % de l’activité chez Cazes. Heureusement, la situation est meilleure dans le tertiaire. Sous l’impulsion de Jean-Guillaume, chef d’agence, et de Vincent, chargé d’affaires, Cazes participe à la construction de plusieurs casernes de pompiers, des projets qui bénéficient de financements importants via le département. Il achève également un gros chantier de village de vacances à Saint-Cyprien (lire l’encadré ci-dessous). « On commence aussi à entrer chez les viticulteurs pour climatiser leur logement et leurs gîtes. » Face à cette baisse d’activité, Stéphane se démène. Il accepte des chantiers plus petits, pousse son activité de recherche de fuites ou développe des campagnes sur le photovoltaïque. « Aujourd’hui, on la QualiPV 36. On veut obtenir la QualiPV 500 en 2024 pour aller sur de nouveaux marchés. » Stéphane en profite aussi pour poursuivre la transformation numérique de ses entreprises, source de gains de productivité et de trésorerie. Il a souscrit à la GED Adhérents proposée par le Gesec : « Elle sera opérationnelle pour la fin de l’année. » Pour son logiciel de gestion commerciale, il a fait le choix d’EBP : « Ce n’est peut-être pas le meilleur, mais il me permet de gérer tous mes chantiers, du plus petit au plus important. » Les équipes qui travaillent chez les particuliers sont ainsi équipées d’une application sur smartphone reliée à EBP.
Sur tous ces sujets, Stéphane apprécie d’être accompagné par le Gesec. Adhérent depuis 2017, il aime échanger avec ses pairs : « On se sent moins seul, reconnaît-il. Au Gesec, je peux apporter et recevoir, c’est inestimable. » Il sollicite régulièrement les experts de l’Académie sur des problématiques RH, juridiques ou techniques. « Avec eux, je retrouve le confort des services support dont je bénéficiais quand je travaillais chez Veolia ! »
Il a ainsi sollicité Sophie Roldan au moment du rachat de Bailloeuil afin de s’assurer que l’estimation de l’entreprise était correcte. Fidèle aux réunions de zone, il n’hésite pas à parcourir les 300 kilomètres qui le séparent d’Aix-en-Provence où elles ont lieu. « En novembre, j’ai emmené avec moi le chef d’agence de Cazes, son chargé d’affaires et notre assistante de direction. »
Visite de chantier
Un village de vacances premium à Saint-Cyprien
C’est un chantier qui est arrivé au bon moment. Un village de vacances haut de gamme situé à Saint-Cyprien, une station balnéaire située à une vingtaine de kilomètres au sud de Perpignan. Le projet compte quatre immeubles de 72 logements, 79 villas spacieuses avec terrasse, un pool-house avec une immense piscine et un bâtiment d’accueil. Il a été lancé par Lodef, un promoteur suisse qui travaille avec Cazes depuis plus de vingt ans. L’entreprise a obtenu les lots plomberie, sanitaire, climatisation et VMC : un marché à 3 M€ à réaliser sur trois ans. Au plus fort, le chantier a occupé jusqu’à douze compagnons et chefs de chantier. Aujourd’hui, il s’achève. Il devrait être livré pour la fin de l’année et sera géré par Pierre & Vacances et RoussiHôtel.
Devenir formateur ?
À 48 ans, comment Stéphane voit-il l’avenir ? Pas question de fusionner les deux entités : « Chaque entreprise a son histoire, sa clientèle, explique-t-il. Imposer mon nom serait une erreur… même si ça ferait plaisir à mon père ! » Son ambition : « Devenir l’acteur numéro 1 indépendant de la plomberie chauffage climatisation en termes de notoriété et savoir-faire sur le département. ». Déçu par le niveau des jeunes qui sortent de CAP ou BEP, il envisage de créer sa propre société de formation. Un projet qui trotte dans la tête d’autres adhérents qui se heurtent à des difficultés de recrutement alors qu’ils manquent de bras pour aller sur les nouveaux marchés de la transition énergétique. Et qui sera suivi de près par les équipes du Gesec.
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