Entré dans l’entreprise en 2013 comme directeur technique, Frédéric en est devenu le patron sept ans plus tard. Même s’il n’aime pas le titre de président, ce passionné n’a pas eu de mal à endosser ses nouveaux habits. Il a désormais les mains libres pour faire d’Hydroline une PME qui cartonne.
Mon modèle, c’est la famille : on se connaît, on se respecte, on se soutient, on partage.
L e chantier du futur centre aquatique de Marville, en Seine-Saint-Denis, vient de débuter. Ce nouveau complexe accueillera dans un premier temps les entraînements des équipes de water-polo aux JO de 2024 avant de s’ouvrir aux habitants de ce département populaire. L’infrastructure abritera cinq bassins auxquels s’ajouteront un espace de bien-être et de balnéothérapie, une salle de musculation et une terrasse. Le projet, d’une valeur de 30 millions d’euros, est piloté par le groupe GCC. Frédéric Saint-Pol fait partie du groupement qui a remporté l’appel d’offres. « Ce chantier, je me suis battu pendant six mois pour y participer ! »
Son atout pour remporter le lot CVC (2,1 M€) face aux majors ? « Je venais de livrer une piscine à Viroflay avec deux mois d’avance. On apportait la maîtrise technique et la touche PME, rassurante pour le maître d’œuvre. »
Sous des dehors bonhommes, Frédéric cache une détermination sans faille. à 47 ans, ce Ch’ti pur jus est président de la société Hydroline, installée à Mons-en-Barœul, dans la banlieue nord de Lille. L’aboutissement d’un parcours plusieurs fois contrarié. Diplômé des Mines de Douai, le jeune ingénieur commence sa carrière en 1999 comme chargé d’affaires chez Imatec, une entreprise de génie climatique nordiste réalisant 50 % de son activité dans la piscine. Rapidement, il devient le bras droit d’un des actionnaires, Jacques Legrois, « un des meilleurs techniciens de la région », qu’il considère comme son « père du travail ». Les choses se gâtent après le rachat de la société par la filiale d’un grand constructeur. « Il y a eu des frictions avec le nouveau directeur, qui avait une approche surtout commerciale et financière… » Frédéric quitte Imatec en 2009 et rejoint l’entreprise Missenard comme directeur des travaux. Là, il a carte blanche pour recréer un service travaux. Il ne se le fait pas dire deux fois et débauche d’anciens collègues d’Imatec. Mais en 2012, rebelote, un nouveau président du directoire est nommé. Venant de l’univers de l’exploitation, celui-ci décide de réduire la voilure en travaux. Il faut licencier deux personnes : Frédéric se propose. C’est ainsi qu’il arrive en 2013 chez Hydroline comme directeur technique. Pas tout à fait en terre inconnue. Voilà plusieurs mois en effet qu’il est en négociation avec Jean-Louis Hertault, le président d’Hydroline, qui lui a proposé de reprendre l’entreprise.
« Cela faisait quelque temps que l’envie de devenir patron me titillait, raconte Frédéric. La proposition de Jean-Louis est arrivée à point. »
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Lire la vidéoUn rachat sur dix ans
à l’époque, Hydroline est une « belle petite PME » qui réalise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires avec une dizaine de salariés. Les deux hommes conviennent du montage financier qui permettra à Frédéric de racheter les parts de la société sur dix ans. En attendant, sa mission est de développer l’entreprise. Hydroline, qui était installée à Roubaix, déménage à Mons-en-Barœul et recrute à tour de bras. Après un premier exercice déficitaire, les premiers résultats sont là en 2014. Tout semble bien parti. Mais, en 2015, une longue traversée du désert commence. Cette même année, un marché pour une résidence étudiante tourne à l’accident industriel : les malfaçons s’accumulent, Hydroline perd 400 000 euros… « Le problème avait été détecté dès le début, mais personne n’avait osé me prévenir… » Frédéric en tire des leçons en termes de management et se jure de ne plus accepter ce type de chantiers. Alors que la question du placement en redressement judiciaire se pose, Frédéric décroche une belle affaire grâce à son réseau. Hydroline est chargée de la rénovation de la plomberie de la prison de Sequedin. Un marché compliqué à organiser mais rentable qui permet à l’entreprise d’éponger les pertes. Frédéric respire, jusqu’au moment où le comptable lui annonce qu’Hydroline a perdu sa garantie Sfac… « Il avait fait l’autruche. Résultat, on devait tout payer au cul du camion ! » Heureusement, ses bons contacts avec les fournisseurs le sauvent. Après ces trois années de galère, Frédéric décide de reprendre les choses en mains. En 2017, il embauche une « vraie comptable » et recrute son épouse, Daisy, comme assistante de direction : « à elles deux, elles ont structuré la comptabilité. » Il en profite pour revoir l’accord d’acquisition et devenir majoritaire : « Je voulais avoir les mains libres. » En 2019, il se met d’accord avec Jean-Louis Hertault sur le principe d’un rachat anticipé des parts restantes. En mai 2020, il détient la totalité du capital d’Hydroline, dont il devient le président.
Aujourd’hui, Hydroline est une société qui compte dans le Nord et au-delà. Elle réalise un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros avec une trentaine de salariés. Frédéric mise sur son bureau d’études (3 chargés d’affaires, 2 techniciennes, 2 conducteurs de travaux et 1 metteur au point) pour remporter des chantiers techniques dans le tertiaire. Il n’hésite pas à concourir en dehors des Hauts-de-France, notamment en région parisienne. Beaucoup de piscines et de centres aquatiques, sa spécialité (Marville, Viroflay, Pontoise…). Mais aussi des collèges, lycées, hôpitaux, bâtiments administratifs, pénitentiaires… Hydroline vient ainsi de débuter un gros chantier pour deux structures d’accompagnement à la sortie (des détenus) à Osny (95) et Meaux (77) avec le groupe Rabot-Dutilleul.
Ce matin, Frédéric nous emmène visiter le chantier de la chambre des métiers et de l’artisanat d’Arras, qui touche à sa fin. L’établissement a décidé de regrouper ses différents sites sur un campus de 12 000 m2 qui abritera les services administratifs et le centre de formation. Un beau projet à 2,5 M€ qu’Hydroline se partage avec un des confrères (voir reportage photo). Christophe Moreau, le chargé d’affaires, nous fait visiter les lieux. Il nous montre les panneaux rayonnants qui chaufferont les salles de grande hauteur et les installations des cuisines. Dans les étages, tous les corps de métiers s’activent car la livraison approche. Nous nous retrouvons ensuite à la brasserie du coin autour d’un revigorant « welsh », plat d’origine galloise devenu typique « de Ch’nord », et d’une pinte de bière pour parler valeurs, management et avenir.
Chez Hydroline, on se préoccupe de leur bien-être, de leur sécurité, de leurs soucis et de leurs joies…
« Mon modèle, c’est la famille, résume Frédéric : on se connaît, on se respecte, on se soutient quand il y a des difficultés et on partage quand ça va bien ! » Concrètement, cela se traduit par une vraie proximité avec les collaborateurs. « Chez Hydroline, on se préoccupe de leur bien-être, de leur sécurité, de leurs soucis et de leurs joies… » On sait aussi se ménager de bons moments de convivialité : « L’arrivée de Christophe y est pour beaucoup ! »
à commencer par le déjeuner du vendredi, préparé par l’un ou l’autre, suivi d’un temps de détente (jeu de société, baby-foot…) avant que chacun boucle ses dossiers de la semaine. Fin 2021, l’équipe est aussi partie faire du ski… à Ice Moutain, un parc d’activités avec une piste artificielle situé à quelques kilomètres de là, en Belgique. « Ces moments sont importants pour la cohésion d’équipe, assure Frédéric. Les monteurs, qui travaillent sur des chantiers parfois lointains, ne se croisent pas souvent. Pour eux, c’est l’occasion de mieux se connaître. »
Pour l’entreprise libérée
Autre mot-clé de la culture maison : la confiance, qui se manifeste par exemple dans la grande autonomie des chargés d’affaires : « Chacun a son fonctionnement, et ça me va bien ainsi. » Côté partage, Frédéric estime que « le résultat de l’entreprise, c’est le fruit du travail de tous. » Cela signifie des salaires motivants, des primes, un intéressement (« l’équivalent d’un 13e mois en 2021 »), un comité d’entreprise participatif (avec CIS-BTP) et des avantages en nature pour certains postes (véhicules de fonction, téléphone…) : « Même si je peux compter sur la loyauté de mes collaborateurs, il faut leur donner les moyens de résister aux sirènes de la concurrence… » Prochaine étape : une entrée au capital des chargés d’affaires seniors : « J e leur ai dit que j’étais prêt à leur céder 25 % des parts. Ils y réfléchissent… »
Et Frédéric, comment voit-il son rôle de patron ? « Je me retrouve assez bien dans le concept d’entreprise libérée, explique-t-il. Je ne me vois pas au sommet de l’organigramme mais au centre de l’organisation, entouré par mes collaborateurs. » Soucieux de ne pas perdre le contact avec la technique, il conserve la responsabilité d’un chantier. Il reconnaît volontiers qu’il a une vision plus technique que financière de l’entreprise. Alors que son carnet de commandes est plein, il préfère refuser les sollicitations : « à quoi bon accepter des affaires si c’est pour les sous-traiter ? »
Quand on est une PME, on est à fond sur les chantiers, on essaie de faire de la gestion d’entreprise mais on n’a pas de services support : le Gesec nous apporte ce soutien.
Avant de conclure, Frédéric tient à revenir sur le rôle du Gesec dans cette aventure. « Le groupement m’a bien aidé pendant la phase d’acquisition », souligne-t-il. Je remercie particulièrement Sophie Roldan, qui m’a apporté un regard extérieur et de précieux conseils. » Parrainé par Arnaud Milleville (Leclerc et Chery), Frédéric est entré au Gesec en 2019. Une décision dont il se félicite chaque jour. « Quand on est une PME, on est à fond sur les chantiers, on essaie de faire de la gestion d’entreprise mais on n’a pas de services support : le Gesec nous apporte ce soutien. » Le chef d’entreprise a déjà suivi plusieurs formations au management et à la gestion. Ses collaborateurs utilisent beaucoup les services juridique et RH notamment.
Bientôt, de nouveaux locaux
Quels projets pour les prochaines années ? Grandir encore ? Frédéric n’y tient pas plus que cela. « à 7,5 millions de CA, on gagne bien notre vie. Pourquoi vouloir toujours plus ? » En revanche, il a bien l’intention d’améliorer encore la qualité de vie au travail. D’abord, en travaillant davantage dans la région : « Les grands déplacements, c’est fatigant à la longue, avoue-t-il. L’objectif est d’inverser la tendance en ramenant leur part de 75 à 25 % d’ici à 2024. »
Pour cela, Hydroline répond de plus en plus à des gros appels d’offres locaux en s’associant à des acteurs qu’il connaît bien. « Cela permet de partager le risque et de concurrencer les grands groupes. » Deuxième grand chantier, la transformation numérique de l’entreprise, avec la mise en place d’un nouvel ERP et d’une GED performante. « L’offre packagée du Gesec nous a séduits : la saisie automatique des factures devrait nous permettre d’économiser un demi-poste à la comptabilité », estime-t-il. Mais le chantier qui l’occupe le plus en ce moment, c’est celui de la construction de nouveaux locaux. Frédéric a trouvé un terrain de 3 000 m2 près de Lens où il va pouvoir réaliser le bâtiment de ses rêves : 500 m2 de bureaux sur deux étages, un grand espace de stockage, une salle de réunion et, pour le bien-être, une vaste cuisine, une salle de détente et une terrasse extérieure. « Vous êtes venus deux ans trop tôt », soupire-t-il. Rassurez-vous, Frédéric, nous reviendrons pour l’inauguration !
HYDROLINE
Lieu : Mons-en-Barœul (Calvados)
CA : 7,5 M€
Effectif : 32 salariés
Activités :
- Chauffage au bois
- Chauffage au fioul
- Chauffage au gaz
- Désemfumage
- Grande cuisine
- Piscine
- Spa
- Plomberie / sanitaire
- Pompe à chaleur
- Protection incendie RIA
- Traitement de l’air
- Ventilation
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