Karim Segueni : il veut jouer dans la cour des grands !
Paru dans Gesec Magazine 263 Automne 2023
En vingt ans, cet adhérent a bâti un groupe de six sociétés opérant dans les domaines des fluides, de l’automatisme et de l’énergie dans le tertiaire et l’industrie. Jouant de leur complémentarité, il s’est positionné sur de gros chantiers réclamant solidité et compétences techniques pointues.
Le prochain rachat d’un bureau d’études aux clients prestigieux devrait fournir au groupe Electrom une carte maîtresse pour rivaliser avec les entreprises nationales.
Quand on voit Karim Segueni pour la première fois, on n’a aucun mal à l’imaginer sur un terrain de rugby. À 52 ans, son 1,95 m et sa stature athlétique en imposent toujours. Cinq ans plus tôt, il jouait encore en équipe 2 du RC-Cergy-Pontoise au poste de deuxième ligne. Un poste qui, hormis une grande taille, demande de la polyvalence et du courage. « Le deuxième ligne est un combattant qui va jusqu’au bout », assure Karim. Des qualités qui ne sont pas étrangères à son succès dans les affaires. Charismatique et audacieux, l’entrepreneur autodidacte a bâti en vingt ans un groupe de six sociétés dans les domaines des fluides, de l’automatisme et de l’énergie qui pèse près de 20 M€ et emploie 120 salariés. Et il ne compte pas s’arrêter là : deux nouvelles sociétés devraient intégrer le groupe d’ici à 2024.
Portrait de Karim Segueni
Lire la vidéoSon parcours d’entrepreneur commence en 2003, avec la création de la société PEM, spécialisée dans le CVC, la tuyauterie industrielle et l’électricité. S’appuyant sur son réseau, il développe rapidement l’activité. Six ans plus tard, l’entreprise réalise déjà 5 M€ de chiffre d’affaires avec 15 salariés. Aujourd’hui, PEM travaille pour les collectivités locales, de gros clients privés comme les foncières, des syndics de copropriété mais aussi pour des énergéticiens et des maintenanciers comme Engie, Dalkia ou Coriance. L’entreprise participe à de gros chantiers tertiaires et industriels : chauffage urbain à Paris, réseaux tout inox, centrales d’air comprimé… « En ce moment, on a un beau chantier en cours à la salle Pleyel, à Paris : on installe une salle technique et on refait tous les réseaux CVC. » Depuis 2019, Karim a confié la direction de l’entreprise à Oumar, un de ses collaborateurs entré chez PEM comme apprenti il y a près de vingt ans : « Oumar, c’est une belle histoire humaine et professionnelle. »
Aujourd’hui, avec un chiffre d’affaires de 9 M€ et un effectif de 70 salariés, dont six chargés d’affaires, PEM reste la locomotive du groupe Electrom.
Electrom
- 2003 Création de PEM
- 2009 Rachat d’AEP
- 2010 Création de GTC One
- 2012 Création du groupe Electrom
- 2021 Rachat de LSMT
- 2022 Création d’Electrom Distribution et d’E-Maintenance
- 2023 Effectif groupe : 120 salariés et 20 M€ de CA
Structurer pour grandir
En 2009, Karim rachète AEP, société spécialisée dans l’installation et la maintenance de « machines tournantes », c’est-à-dire les pompes, les moteurs électriques qui les alimentent et les variateurs. Pour lui, ce n’est pas une entreprise comme les autres. C’est là qu’il a fait ses premières armes comme commercial quelques années plus tôt. Lorsqu’il apprend que le patron vend, il se porte acquéreur et emporte la décision. Mais ce n’est pas du goût de tous. « Certains n’ont pas accepté de me voir revenir, encore moins comme patron, et me l’ont fait payer cher », résume-t-il sobrement. L’entrepreneur remonte une équipe et relance l’activité : « Eau, chauffage, ventilation : des pompes, il y en a partout dans le tertiaire et l’industrie ! » Aujourd’hui, AEP travaille avec les syndicats des eaux, les grands énergéticiens, des industriels… Partenaire officiel du fabricant de pompes franco-allemand KSB, la société entretient et rénove des pompes de toutes tailles. Le jour de notre reportage, nous avons ainsi pu voir un énorme spécimen dans l’atelier. Depuis 2012, Karim a laissé les rênes de l’entreprise à Thierry Guiot, un ancien de KSB, qui mène bien sa barque. Avec un chiffre d’affaires de 6 M€ et un effectif de 30 salariés, AEP est une carte maîtresse du groupe.
Notre entrepreneur n’est pas du genre à s’arrêter en si bon chemin. En 2010, il crée GTC One, société spécialisée dans l’automatisme, la régulation et la supervision, toujours pour le tertiaire et l’industrie. « Je n’ai pas attendu le décret BACS pour me lancer sur le marché de la GTB-GTC », glisse-t-il entre deux. L’entreprise réalise 1,5 M€ de chiffre d’affaires avec 8 collaborateurs.
Fort de ses trois sociétés et désireux de poursuivre le développement de ses affaires, Karim décide en 2012 de structurer son activité. Il fait de PEM la holding du groupe, qu’il renomme Electrom, et transfère ses activités à une nouvelle société : PEM Technologies. Il faudra néanmoins attendre 2021 pour voir une nouvelle entité intégrer le périmètre. Il s’agit de LSMT, un sous-traitant d’AEP spécialisé dans le levage, la manutention et le transport de pièces lourdes. L’entreprise est au bord de la déconfiture. Persuadé de sa viabilité, Thierry Guiot vient trouver Karim et le convainc de reprendre la boîte. « On a mis deux ans à tout remettre d’équerre, raconte-t-il. Mais aujourd’hui, ça roule. » LSMT (1 M€, 5 salariés) possède cinq grues mobiles et deux camions-bras de grues qui sont utilisés aussi bien par les entreprises du groupe que par des clients externes.
Coup d’accélérateur en 2022 : Karim crée deux sociétés. La première, Electrom Distribution, vend des équipements, matériels et outillages pour les métiers du CVC, de l’électricité, de la régulation, des pompes et des moteurs. Bref, tous les métiers des sociétés du groupe. « On en avait assez de devoir interrompre des chantiers lorsqu’il manquait une pièce, explique Karim. On a donc créé notre distributeur rapide. » « Aujourd’hui, on livre nos sociétés dans un délai de deux à quatre heures dans toute l’Île-de-France », précise Cassie, la fille de Karim, responsable marketing du groupe, qui a réalisé le site de commerce de la société. Electrom Distribution dépanne aussi bien PEM Technologies ou AEP que leurs clients, qui apprécient eux aussi ce service express. La même année, Karim crée E-maintenance, une société spécialisée dans la maintenance multitechnique et les petits travaux. « On avait un trou dans la raquette pour répondre aux demandes de certains de nos clients : maisons de retraite, salles de sport, hôtels, crèches, etc. On l’a donc comblé. » Pour lancer cette activité qu’il ne maîtrise pas – « le petit tertiaire et le particulier, c’est pas ma came » – Karim recrute un directeur passé par les grands groupes. Bonne pioche : pour son premier exercice, Damien a réalisé 700 K€ de travaux avec quatre techniciens. Notamment en participant à des contrats grands comptes gérés par Gesec Développement. « Nous sommes fiers d’avoir gagné la confiance de la filiale du Gesec ! »
Demain, les data centers
Quand il y a un sujet qui m’intéresse, je commence par renifler, et s’il y a une opportunité, je fonce !
Désormais, une page se tourne pour Karim. Depuis qu’il a nommé des directeurs généraux dans chacune des filiales du groupe, il est moins présent sur le terrain. Cela lui laisse du temps pour repérer d’autres opportunités. Il est ainsi en train de finaliser l’acquisition d’un bureau d’études AMO et conception d’installations, doté un portefeuille de clients prestigieux. Son objectif : « Avoir toutes les cartes en main pour jouer dans la cour des grands. » Dans ses cartons, on trouve aussi le projet de travailler avec les Voies navigables de France pour le bassin de la Seine : « Le contrat concerne l’entretien des pompes des écluses. Il faut travailler avec des plongeurs », explique-t-il avec des étoiles dans les yeux. Autre projet, déjà bien avancé : créer une filiale dédiée à l’ingénierie CVC-électricité des data centers, « un marché en pleine expansion où il y a des places à prendre ». Et les énergies renouvelables ? Karim fait la grimace. « Je me suis toujours refusé à aller sur les marchés dumpés, se justifie-t-il. Quand les aides s’arrêtent, le business plonge. Cela ne nous empêche pas de faire profiter nos clients industriels de CEE quand cela est possible. » Probable donc que l’entrepreneur n’en reste pas là. « Quand il y a un sujet qui m’intéresse, je commence par renifler, et s’il y a une opportunité, je fonce ! »
Electrom s’est notamment fait une réputation sur la tuyauterie industrielle, une activité que nous maîtrisons de A à Z.
Et côté management, ça se passe comment dans les sociétés du groupe Electrom ? « On a peu de turn-over, c’est que les collaborateurs doivent trouver leur compte chez nous », répond laconiquement Karim. Voyant qu’il ne s’en tirera pas ainsi, il ajoute : « Si vous voulez tout savoir, on ne fait pas dans le sophistiqué : des salaires corrects, de l’autonomie, des véhicules bien équipés et des outils premium. » En effet, les camionnettes d’AEP ne passent pas inaperçu sur les chantiers : motorisation surpuissante, châssis surbaissés (pour passer dans les parkings), rangements optimisés, rampes pliantes, etc. « On dirait le van de “l’Agence tous risques“ ! », plaisante Cassie. Les entreprises du groupe sont réputées pour la compétence de leurs équipes : « On a des pointures en génie climatique, génie électrique, climatisation ou tuyauterie, assure Karim. Mais on a aussi des profils touche-à-tout, capables de donner un coup de main sur un chantier urgent. » À l’embauche, les compagnons tournent ainsi dans les équipes pour apprendre le métier des autres.
Au chapitre de la digitalisation, Karim reconnaît que les entreprises du groupe ont pris du retard : « On a tous les logiciels qu’il faut, mais les équipes ont du mal à basculer. C’est une question de culture d’entreprise. Mais, promis, on va s’y mettre. De toute façon, on n’a pas le choix ! » Sur ce point, il sait qu’il peut compter sur l’appui du Gesec, qui en a fait un sujet prioritaire.
Sponsoring sportif
Quatre des entreprises d’Electrom (PEM, AEP, GTC One et E-Maintenance) sont adhérentes du groupement. Franc-tireur, Karim y puise de l’inspiration : « Je voulais voir comment faisaient les autres, me frotter à d’autres points de vue. » Là encore, il concède que ses équipes ne profitent pas assez des services proposés par le Gesec. En dehors de Cassie, qui poste les offres d’emploi sur le site Carrière et utilise les ressources mises en ligne dans l’extranet.
Même s’il a raccroché les crampons, Karim reste fidèle à ses engagements dans le sponsoring sportif, et spécialement le rugby. Electrom est ainsi partenaire officiel du club de rugby de Sarcelles (AASS), la ville où il a grandi, et, à travers PEM, du club de rugby de Cergy-Pontoise (RCACP), son ancien club. « Cette action met en avant les valeurs de notre groupe, souligne l’ex-deuxième ligne. Il nous arrive même de recruter des joueurs par ce canal. » Electrom soutient aussi l’association d’haltérophilie de Franconville (AFHMA), qui compte plusieurs championnes de France, d’Europe et du monde parmi ses membres. « Une entreprise qui réussit doit investir dans son territoire ! »
AEP, un spécialiste des « machines tournantes »
Karim a racheté AEP, société spécialisée dans l’installation et la maintenance des pompes et des moteurs électriques, en 2009. Dirigée depuis 2012 par Thierry Guiot, un ancien du fabricant KSB, l’entreprise travaille notamment avec les syndicats des eaux. « La rénovation consiste à la décaper, usiner de nouvelles pièces et remettre aux cotes les jeux mécaniques », explique Siva, le chef d’atelier. AEP partage un entrepôt avec PEM Technologies pour stocker, souder et réparer les grosses pièces de leurs chantiers respectifs. Autre motif de fierté, les véhicules d’intervention, puissants et bien équipés, qui facilitent le travail des techniciens au quotidien.
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