Grégory Binisti : un tableautier qui en fait toujours plus

Aux manettes de l’entreprise familiale depuis une quinzaine d’années, Grégory Binisti a su sortir ABC Automation de son métier initial, les armoires électriques et les automates industriels, et y ajouter de nouvelles compétences : bureau d’études, activités de chantier et, depuis peu, GTB. Une diversification qu’il résume en un slogan : «  Demandez en plus à votre tableautier !  »

Grégory se frotte les mains : il vient d’avoir la confirmation que l’opération sur laquelle il travaille depuis près de plusieurs mois avec un autre adhérent du Gesec va se faire. Le client est un groupe propriétaire d’une vingtaine de concessions automobiles à Nantes et en région Rhône-Alpes. La prestation consiste à concevoir et déployer des systèmes de GTB dans l’ensemble des concessions. Le marché a été remporté avec Moinard, entreprise vendéenne dirigée par Stéphane Evain. ABC Automation s’occupera du traitement des sites de la région Rhône-Alpes. « Pour nous, ce contrat vient valider l’activité que nous avons lancée l’an dernier, se félicite Grégory. Il va nous permettre de montrer ce que nous savons faire en matière de GTB. » D’une valeur de 640 K€, la commande devrait occuper une partie des équipes pendant huit ou dix mois. Cette opération est révélatrice du tempérament de Grégory, mélange d’opportunisme, d’audace et de détermination. « Je sais repérer les opportunités, assure-t-il. Et si elles ne sont pas dans mon cœur de métier, cela ne m’effraie pas : je sais que nous avons les ressources et les compétences pour nous adapter. » Aux commandes de l’entreprise familiale depuis une quinzaine d’années, il a su sortir ABC Automation de son métier initial – armoires électriques et automates industriels – et y ajouter de nouvelles compétences : bureau d’études, activités de chantier et, depuis peu, GTB. Une diversification qu’il résume en un slogan : « Exigez plus qu’un tableautier ! »

Créée en 1986 par Alain Binisti, le père de Grégory, à Vaulx-en-Velin, l’entreprise est située dans la banlieue Est de Lyon. Grégory a grandi dans un quartier populaire, à la population mêlée et à la culture ouvrière. Peu attiré par la filière générale, il est orienté rapidement vers des études d’électricité. Plus motivé que ses camarades, il passe son CAP en un an, enchaîne avec un BEP d’électronique, un Bac F3 et un BTS d’électrotechnique en alternance. Dispensé du service militaire, il intègre ensuite une filiale d’Alcatel. « J’installais des systèmes d’alerte 18 dans des casernes de pompiers, raconte-t-il. J’aimais beaucoup l’ambiance de ce milieu. » Il y reste quatre ans avant de rejoindre son père. « Je suis arrivé avec le contrat d’équipement des casernes dans mes bagages, poursuit-il. Cela m’a tout de suite donné de la légitimité et de l’autonomie. » De fil en aiguille, il devient formateur pour les pompiers utilisateurs du logiciel de l’automate, « un peu la fleur au fusil », reconnaît il, et il s’en sort plutôt bien. En parallèle, pendant ses déplacements, il fait des plans d’armoires pour son père sur son PC portable : « J’ai toujours aimé expérimenter ! »

En 1997, son père traverse une mauvaise passe. Grégory participe au renflouement de l’entreprise et crée la SARL ABC Automation, dont il devient le gérant. En 2002, il assure une fonction de chargé d’affaires : « On se partageait les clients : “indus” pour moi, tertiaire pour mon père. » Bientôt son père lui abandonne la gestion de l’entreprise. Conscient qu’il ne peut s’en sortir tout seul, Grégory embauche Julien Malartre, l’actuel responsable de production, qui devient rapidement son bras droit. Titulaire d’un DUT en informatique industrielle en sus de son DUT en électrotechnique, ce dernier développe un ERP maison (sous Windev) : « J’ai veillé à le faire évoluer au fil du temps, précise Julien. Aujourd’hui il est utilisé par toutes les fonctions de l’entreprise : technique, achats, commerce et RH. » En 2008, Alain Binisti tombe malade. Grégory est sur tous les fronts. Au décès de son père, trois ans plus tard, il rachète ses parts et devient le nouveau patron d’ABC Automation.

Sa première préoccupation est de diversifier l’activité. « Notre réputation de tableautier était excellente, explique-t-il, mais notre position de sous-traitant d’installateurs ou de bureaux d’études nous privait d’une part importante de la valeur. » C’est pourquoi il crée son propre bureau d’études en 2012, capable de réaliser des schémas électriques, de la programmation d’automates, etc. Pour les mêmes raisons, il développe en 2018 une activité de chantier électrique dédiée aux sites industriels (pour les installations HVAC). à son actif, quelques belles réalisations, comme le remplacement d’un poste haute tension 2000 A
pour une coopérative agricole, « en site occupé, sans interruption de fonctionnement », le « retrofit » de 50 sous-stations pour Dalkia, « à raison d’une sous-station par jour », ou encore le raccordement d’ombrières photovoltaïques pour le parking d’un centre logistique Amazon en Isère « en moins de deux semaines et en période post-Covid, quand dénicher un disjoncteur 1000 A relevait de l’exploit ». L’atout d’ABC ? « Nous préparons bien nos chantiers, souligne-t-il : phasage, modélisation, préparation des pièces en atelier.

Ensuite, on assemble comme du Lego en un minimum de temps. » Dernière étape de cette diversification, le lancement, en 2023, de l’activité GTB. « On en faisait un peu mais en amateur, reconnaît Grégory. Avec les décrets tertiaires et Bacs, on a compris qu’on devait y aller. » Accompagné par Schneider Electric, partenaire historique d’ABC Automation, le bureau d’études est monté en compétences dans ce domaine. Preuve qu’il mise sur ce nouveau marché, Grégory vient de recruter un ingénieur-metteur au point GTB expérimenté. « C’était la condition pour remporter de gros marchés ! » Cette diversification de l’activité s’est accompagnée d’une démarche commerciale et marketing. Le chef d’entreprise souhaite attribuer une marque à chacune des activités, « afin que nos clients identifient bien nos différents métiers » : ABC Automation pour les tableaux électriques, Indusea pour les chantiers industriels et prochainement Xame pour la GTB.

Quand on lui parle des valeurs qui l’animent, Grégory cite en premier lieu l’expertise métier : « Je mets l’excellence au-dessus de tout. » Cette exigence l’a poussé à faire certifier les process de l’entreprise : management de la qualité ISO 9001 depuis 2010, management de la santé et de la sécurité au travail ISO 45001 depuis 2021. Vient ensuite l’accompagnement des clients : « Je demande à mes équipes d’être attentives à leurs besoins afin d’y répondre toujours mieux. » Ce souci du client le pousse à nouer des relations très fortes avec certains d’entre eux. C’est le cas, par exemple, de la société d’ingénierie Ekium, qui travaille avec ABC Automation depuis plus de dix ans : « Nous sommes en confiance avec eux, témoigne Sébastien Ginet, responsable de projet EIA. Nous savons qu’ils délivrent les prestations demandées avec la qualité attendue et dans les temps impartis. » C’est le cas aussi du bureau d’études B2A Ingénierie, qui vient de commander la réalisation d’un « shelter » électrique pour une société d’exploitation minière suisse  : « Nous travaillons ensemble depuis 2009, explique David Armand, cogérant de B2A Ingénierie. Aujourd’hui, c’est un peu comme si ABC faisait partie du bureau d’études. »

Autre valeur forte de l’entreprise : les relations humaines. Comme la plupart des adhérents du Gesec, Grégory prend soin de ses collaborateurs : salaires, participation, protection sociale… « Chez nous, cadres et employés bénéficient du même contrat de prévoyance et de complémentaire santé. » Enfin, le chef d’entreprise insiste sur la transmission des connaissances. Notamment par l’apprentissage, même s’il reconnaît que ce n’est pas toujours simple : « Les jeunes qu’on nous envoie ont un niveau très faible et ne sont pas toujours motivés, regrette-t-il. Et quand ils ont les qualités qu’on attend, on n’arrive pas forcément à les garder… »

Grégory n’est pas seulement un développeur, c’est aussi un entrepreneur qui a lancé trois entreprises à côté d’ABC Automation. « Quand j’ai un peu de cash devant moi et qu’une opportunité se présente, je n’hésite pas à investir, reconnaît-il. Même si cela ne se termine pas toujours bien… » C’est ainsi qu’en 2005 il lance Europe Climatisation avec un ami commercial qui a fait fortune dans l’installation de paraboles satellites. L’objectif est de vendre à grande échelle des climatiseurs réversibles, technologie émergente prometteuse.

Mais l’aventure s’arrête au bout de trois ans : « Je n’étais pas assez présent, le chargé d’affaires n’était pas à la hauteur et le marché n’était pas mûr. » Rebelote en 2010 : dans le mouvement de diversification qu’il s’apprête à engager, Grégory lance Cross, filiale dédiée aux chantiers électriques tertiaires. L’idée lui a été soufflée par un chargé d’affaires. Le business est là, les compétences aussi : « On a compté jusqu’à 30 salariés et réalisé jusqu’à 4 M€ de chiffre d’affaires. » Mais, là encore, l’histoire se termine au bout de dix ans : « Un bon chargé d’affaires ne fait pas forcément un bon patron », soupire l’entrepreneur.

Ces échecs ne le découragent pas. En 2020, Grégory lance AS Recrutement et Interim avec Laurence Reboul, une de ses amies qui connaît bien le secteur. L’idée est partie d’un constat : « Comme moi, mes clients avaient du mal à recruter. Je me suis dit : je vais leur proposer de la prestation de services dans ce domaine. Au passage, cela me permettra de sourcer pour mes propres besoins… » L’agence est spécialisée dans les métiers techniques : techniciens, ingénieurs, dessinateurs-projeteurs, suivi de travaux, etc. « La demande est forte, assure Grégory. Je suis confiant pour l’avenir. »

Parrainé par Christian Guidani, Gérant de l’entreprise SECP, l’un des tout premiers membres du Gesec, Grégory fait partie des adhérents actifs de la région Rhône-Alpes. Il apprécie les services experts, notamment RH et veille réglementaire, et les échanges entre pairs. « Mais le Gesec, ce n’est pas seulement du conseil et des fonctions support, ce sont aussi des opportunités de business », souligne-t-il en évoquant le marché GTB qu’il vient de remporter avec l’entreprise Moinard.

Venant de franchir le cap des 50 ans, comment voit-il l’avenir ? « Certains jours, je me dis que j’aimerais bien avoir une boîte de 100 personnes, bien structurée, qui roule, répond-il. Mais, en même temps, je crains de m’ennuyer. J’aime me lancer régulièrement de nouveaux défis ! » Le dernier en date, c’est de passer son brevet de pilote d’avion. Nul doute qu’il saura en tirer des leçons pour mener ABC Automation encore plus loin et plus haut.