Retards en cascade, modifications des travaux, hausse du coût des matériaux… La vie de chantier n’a rien d’un long fleuve tranquille ! Voici ce que vous devez savoir pour pouvoir moduler les prix et les délais en cas de dérapage.
L’exécution des marchés de travaux réserve bien des surprises. Il arrive que les retards s’accumulent ou que le maître d’ouvrage sollicite des modifications par rapport à ce qui avait été convenu au départ. En outre, depuis plusieurs mois, la hausse du coût des matériaux impacte la rentabilité des opérations. Comment réagir dans ces différentes situations, qui peuvent être lourdes de conséquences pour la pérennité de votre entreprise ? Quels sont les outils que vous pouvez mobiliser pour anticiper les dérapages et limiter leur impact ? Voici trois conseils éprouvés pour faire face aux inévitables aléas de chantier.
Conseil n°1 : Bien connaître son contrat
Le contrat est une mine d’or d’informations, malheureusement insuffisamment exploitée. On distingue classiquement les marchés privés et les marchés publics.
Les marchés privés ne sont soumis à aucune forme particulière1. Ce peut être un « contrat » ou un simple devis à condition qu’il soit signé par le client, de préférence avec la mention « bon pour accord »
Les marchés publics, eux, doivent obligatoirement faire l’objet d’un écrit dès lors que le besoin est égal ou supérieur à 25 000 € HT2. Ils sont conclus, notamment, par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics pour répondre à leurs besoins en matière de travaux3. Dans tous les cas, vous vous engagez à réaliser certaines prestations pour un prix et dans un délai donné
Mais les limites d’intervention, les modalités de variation du prix, les éventuelles sanctions que peut appliquer le maître d’ouvrage ou encore les hypothèses d’indemnisation figurent toutes dans le contrat, dont il est indispensable de prendre connaissance avant même le démarrage du chantier.
À quelques exceptions près, les marchés privés et publics de travaux sont conclus à prix « forfaitaire ». Cela signifie que vous vous engagez à réaliser ce qui est contractuellement prévu selon un prix fixe, déterminé à l’avance. On mesure ici toute l’importance du chiffrage. Cette caractéristique a trois conséquences essentielles :
- Le prix est réputé comprendre tous les travaux nécessaires à la réalisation de l’ouvrage. Il n’est donc pas possible, en principe, d’exiger une augmentation, en particulier en cas de hausse du coût de la main-d’œuvre ou des matériaux
- Le délai d’exécution contractuel est impératif. Aussi, sauf à prouver l’existence d’une cause étrangère, les conséquences financières des retards incombent à l’entrepreneur
- Pour être rémunérés, les travaux supplémentaires doivent impérativement faire l’objet d’un accord écrit du maître d’ouvrage4
Conseil n°2 : Réagir en cas de retard
Vous êtes tenu de respecter les délais auxquels vous vous êtes contractuellement engagés. Mais le retard peut être dû à une cause extérieure, c’est-à-dire à un autre intervenant, à un cas de force majeure ou au fait du maître d’ouvrage, qui peut décider, par exemple, de suspendre les travaux. Le bon réflexe est alors de « laisser des traces », en écrivant au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre, pour l’informer de la situation. Vous avez intérêt ensuite à demander une prolongation du délai d’exécution. Cette démarche vous permettra d’une part d’éviter l’application ultérieure d’éventuelles pénalités de retard et d’autre part de solliciter une prise en charge des frais d’encadrement et d’immobilisation de matériel qui en résultent, sous réserve bien sûr des dispositions contractuelles.
Conseil n°3 : Moduler efficacement le prix
Un devis ou une offre n’engage que pendant sa durée de validité. En revanche, les prix d’un contrat sont fermes, sauf si une clause prévoit une variation en cours d’exécution. Avec le retour de l’inflation, les mécanismes d’actualisation et de révision, qui avaient plus ou moins disparu des contrats, sont revenus sur le devant de la scène. D’où l’importance de bien les distinguer.
- L’actualisation et la révision résultent obligatoirement d’une clause contractuelle. En d’autres termes, il n’y a pas de « droit » systématique à actualiser ou réviser un prix
- L’actualisation est appliquée une seule fois, au démarrage des travaux. Elle permet de prendre en compte la variation des conditions économiques entre la date de remise de l’offre (c’est-à-dire le prix du marché) et le commencement effectif des prestations
- La révision, elle, s’applique tout au long de la durée des travaux
Toutes deux sont calculées à partir d’une formule, qui contient souvent une « partie fixe » invariable, en fonction d’indices/index par corps d’état publiés régulièrement par l’Insee.
1 Cass. 3e civ. 17 décembre 1997, n°94-20.709
2 Art. L2112-1 du code de la commande publique et décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018
3 Art. L111-1 du code de la commande publique
4 Art. 1793 du code civil et R2112-6 du code de la commande publique
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