Alcool et drogues au travail : comment réagir ?
La consommation d’alcool et de stupéfiants sur le lieu de travail est souvent un sujet tabou. Pourtant, elle peut être lourde de conséquences tant en termes de risque d’accident du travail que de responsabilité du dirigeant. Comment sensibiliser ses équipes, se prémunir contre le risque juridique, réagir face à un collaborateur présentant des signes d’addiction.
Près d’un quart des accidents du travail qui ont lieu chaque année en France serait dû à une consommation excessive d’alcool, de drogues ou de médicaments psychotropes, selon Santé publique France. à lui seul, l’alcool serait responsable de 10 à 20 % des accidents du travail et serait impliqué dans 40 à 45 % des accidents mortels. Le sujet concerne particulièrement le secteur du bâtiment, exposé à des risques inhérents à la manipulation d’engins, d’outils ou à la conduite de véhicules. Outre les risques d’accident, la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail met en jeu la responsabilité de l’employeur. Face à ces réalités, la prise de conscience et la mise en place de mesures de prévention adaptées sont essentielles.
Ce que dit la loi en 2024 ?
Le Code du travail est clair : seuls le vin, la bière, le cidre et le poiré peuvent être autorisés sur le lieu de travail, notamment lors des repas (art. R 4228-20). Tout autre alcool est interdit. Une amende maximale de 3 750 €, appliquée pour chaque salarié concerné, est encourue en cas de non-respect de cette obligation. L’article R 4228-21 précise également qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse. Le fait pour l’employeur de méconnaître cette obligation est puni d’une amende de 10 000 €. De la même manière, la présence et la consommation de stupéfiants sont strictement interdites.
La responsabilité de l’employeur
De manière générale, au sein de l’entreprise, c’est à vous, en tant qu’employeur, de prendre les mesures adéquates pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (art. L 4121-1 du Code du travail). En cas d’accident ou d’incident lié à l’alcool ou aux drogues, votre responsabilité civile et pénale peut être engagée tant à l’égard du salarié lui-même que des éventuelles autres victimes. Outre l’indemnisation du préjudice subi, des négligences dans ce domaine peuvent mener à des poursuites pour homicide involontaire ou non-assistance à personne en danger susceptibles d’entraîner de lourdes condamnations.
Le devoir d’alerte des collègues
à partir du moment où un salarié observe un changement d’attitude d’un de ses collègues ou un comportement inapproprié, il doit agir. L’article L 4122-1 du Code du travail indique en effet qu’il « incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ». Encore faut-il savoir comment exercer ce devoir d’alerte. Comment aborder le sujet avec son collègue ? Faut-il en parler avec son supérieur ? Autant de questions qui doivent être anticipées. D’où l’importance de sensibiliser ses équipes.
Se prémunir juridiquement
Quel que soit l’effectif de l’entreprise, il est recommandé d’établir un règlement intérieur contenant une clause réglementant la consommation d’alcool et drogue durant les heures de travail ainsi que durant les temps de pause, notamment les repas.
Rédaction de la clause du règlement intérieur
Afin d’être en mesure de constater un état d’ébriété ou d’imprégnation de drogue, le règlement doit prévoir la possibilité de recourir à l’éthylotest et au test salivaire pour les salariés qui manipulent des produits dangereux, sont affectés sur des équipements dangereux, à des travaux en hauteur, à la conduite d’engins de chantier ou de véhicules d’entreprise. En l’absence de clause dans le règlement intérieur, tout recours à l’éthylotest ou au test salivaire sera jugé illicite.
Alerte, contrôle, sanction
Face à un salarié ayant des problèmes d’alcool persistants, il est conseillé d’alerter le médecin du travail afin de lui demander d’organiser une visite médicale et qu’il se prononce sur l’aptitude du salarié à occuper son poste en toute sécurité.
Par ailleurs, si un salarié montre des signes apparents d’ébriété ou un état d’imprégnation de drogue durant ses heures de travail et qu’il est amené à conduire des véhicules et/ou à effectuer des travaux dangereux, il conviendra de procéder à un contrôle conformément aux dispositions du règlement intérieur. Si le test se révèle positif, le salarié pourra solliciter une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur.
Le constat d’un état d’ébriété ou d’un état d’imprégnation de drogue est constitutif d’une faute qui pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.
Sensibiliser ses équipes face aux conduites addictives
Face à un sujet tabou, la première étape consiste à libérer la parole. Pour cela, vous pouvez organiser des séances de sensibilisation régulières sur les risques liés aux addictions, les signes à surveiller et les ressources disponibles. Cela aidera à démystifier le problème et encouragera les collaborateurs à demander de l’aide s’ils en ont besoin. La sensibilisation vous concerne aussi. Vous devez vous former à reconnaître les signes précurseurs des comportements addictifs et à intervenir de manière appropriée.
Si un collaborateur vous faire part de ses problèmes d’addiction, nous vous conseillons de l’orienter vers des professionnels de santé spécialisés. Des programmes de réadaptation en milieu professionnel peuvent être envisagés. Pour cela, vous pouvez vous faire accompagner par les services de santé au travail, l’Anact, la Carsat…
D’autres mesures de prévention peuvent être envisagées : pose d’affichettes dans les espaces communs, organisation d’ateliers de sensibilisation et de co-construction sur cette thématique, désignation d’une personne référente… L’important est de communiquer sur le sujet.
Comment concilier les pots d’entreprise avec l’obligation de sécurité de l’employeur
Fêtes de fin d’année, galette des rois, départ en retraite… Le pot d’entreprise est l’occasion de rassembler les salariés autour d’un verre et de renforcer les liens du collectif de travail. Mais la consommation de boissons alcoolisées peut constituer un facteur de risque pour la santé et la sécurité des salariés. Or l’employeur a une obligation générale de sécurité. Voici quelques mesures de prévention pouvant être prises lorsqu’un pot est organisé dans les locaux de l’entreprise ou à l’extérieur (bar, restaurant…).
- Cadrer les horaires de début et de fin du pot
- Fournir systématiquement des boissons non alcoolisées
- Mettre des éthylotests à disposition
- Encourager la désignation d’un SAM (chauffeur désigné)
- Proposer un accompagnement pour le retour des salariés à leur domicile (taxi)
Comment réagir face à un salarié présentant des signes d’addiction
Face à un premier incident ou à des signes d’addictions, votre rôle de dirigeant ou de manager nécessite d’agir, notamment en échangeant avec le collaborateur. Voici quelques conseils pour vous aider à aborder cette situation de manière efficace.
Préparez-vous : Avant l’entretien, prenez le temps de vous informer sur les politiques de l’entreprise concernant la consommation d’alcool au travail ainsi que sur les ressources disponibles pour accompagner au mieux le salarié.
Choisissez un moment et un lieu appropriés : Planifiez l’entretien dans un endroit calme et privé où le collaborateur se sentira à l’aise pour s’exprimer. Assurez-vous aussi d’avoir assez de temps pour mener la discussion.
Adoptez une approche empathique : Commencez l’entretien en exprimant votre préoccupation pour le bien-être du collaborateur. Montrez-lui que vous êtes là pour le soutenir et l’aider à trouver des solutions. Utilisez un langage neutre et non critique pour discuter de la situation de manière ouverte et respectueuse.
Écoutez attentivement : Laissez le collaborateur s’exprimer librement sur sa situation. Écoutez attentivement ses préoccupations, ses expériences et laissez-le parler de ses besoins sans l’interrompre.
Posez des questions ouvertes : Elles doivent inviter le collaborateur à approfondir ses réflexions et à partager ses sentiments. Évitez les questions qui pourraient être perçues comme intrusives ou accusatoires.
Proposez des solutions et des ressources : Cela peut inclure des programmes de soutien en entreprise, des services de conseil ou des groupes de soutien externes. Nombreuses ressources sur www.addictaide.fr/pro
Établissez ensemble un plan d’action : Ce programme peut inclure des étapes spécifiques, des objectifs réalisables et des mesures de suivi pour évaluer sa progression. Le processus de changement peut être long et parsemé d’obstacles, il est donc important de rester engagé dans le processus de soutien.
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